10 Questions à Simon Lizotte
Entrevue et traduction par Louis L. pour ADGQ.org
Photos: Isaac Olson et archives web
Malgré l’agenda bien chargé de Simon Lizotte en cette fin de saison 2014, j’ai eu la chance qu’il consacre une partie de son temps à répondre à quelques questions! Ses commentaires seront certainement très intéressants pour l’ensemble de nos membres ainsi que pour tous les joueurs de Disc Golf au Québec. Avec sa permission, j’ai pu traduire l’entrevue originale (qui s’est déroulée en anglais) pour nos lecteurs francophones. Ceci, je crois, est une première!
Sans plus tarder, voici 10 questions de l’ADGQ à Simon Lizotte!
LL : Merci de prendre le temps de répondre à nos questions, car avec toute l’attention portée sur toi dans les derniers temps, tu dois avoir beaucoup de pain sur la planche.
SIMON : Oui! Sans problème! Il y a effectivement eu beaucoup de choses qui ont nécessité mon attention dans les dernières semaines mais, avec la saison qui tire tranquillement à sa fin, je peux enfin me préparer à me reposer un peu. J’envisage déjà un retour en force l’année prochaine afin de donner encore plus le meilleur de moi-même!
LL : On parlera encore pour longtemps de ce que tu as réalisé au mois d’octobre dernier :
2 records du monde, un à la suite de l’autre! Félicitations! Pour battre David Wiggins Jr, tu as lancé un des disques Innova Blizzard Boss de Avery Jenkins sur une distance de 863.5’ / 263.2m!
Les premières questions portent donc sur la « technique » :
1. Quelle part de cette distance – de toute évidence impossible à atteindre par la majorité d’entre-nous – est due aux conditions du terrain? Au vent? À la légèreté des disques blizzard? Au lancer 360°?
Bref, ce que tout le monde veut savoir, quel est le secret?!
SIMON : Ok. Et bien voilà : je peux lancer sur environ 650-700 pieds (190-210 mètres) sans le moindre vent, dans des conditions normales. Je lancerais un disque d’environ 165g pour obtenir le maximum de distance sans l’aide du vent.
Évidemment, nous lançons des disques encore plus légers dans le désert à cause de la portée du vent qui y est supérieure. Avec le bon vent, je peux probablement lancer jusqu’à 750 pieds sur un champs de pratique, alors la haute altitude de l’endroit (désert du Nevada) a du ajouter environ 100 pieds à la distance. En prenant en compte ces données, je pense que le vent ajoute une bonne centaine de pieds et que les « conditions désertiques » y ajoute un autre 100 pieds. Donc, on pourrait dire qu’être dans le désert en situation de bon vent ajoutera 25% à la distance habituelle du lanceur.
Ce que peu de gens réalisent, c’est qu’il faut tirer le disque vraiment haut et avec le maximum de force pour que le vent et l’altitude aident vraiment. Je crois que les joueurs qui lancent environ 400 pieds ne verraient que peu de différence s’ils pouvaient essayer de tirer à cet endroit. Aussi, ce n’est pas comme si nous nous trouvions dans un ouragan. Le vent optimal n’est que de 15-20m/h (25-30km/h), ce qui n’est vraiment pas extrême.
2. Alors supposons qu’il n’y a pas le moindre vent, avec quel disque et quel type de lancer croirais-tu pouvoir atteindre la meilleure distance?
SIMON : Pour la longue distance, c’est toujours le même type de tir : un Turnover lancé assez haut. [ndlr:Turnover qualifie un lancer où le disque est relâché intentionnellement sur un angle de plat à Hyzer mais passe à l’angle inverse Anhyzer dans une direction atypique avant de finir son vol.] J’utiliserais probablement un Boss blizzard. L’important étant que le disque ait un « dôme », à l’inverse d’être « plat ». Plus le disque est en dôme, plus il restera longtemps dans les airs. Dans des conditions calmes, je crois pouvoir le lancer jusqu’à 700 pieds.
3. Bon. Et 500+ pieds avec un mini-marqueur? Je ne sais pas quoi dire, sinon que ça me dépasse! Alors, je vais plutôt demander ceci… Il n’y a pas de vidéo de ce moment? Pourquoi?
SIMON : Oui, j’ai vu beaucoup de discussions à propos de ceci. Pourquoi c’est arrivé : premièrement, parce que j’étais le seul à partager les événements en temps réel sur les réseaux sociaux. Je n’avais que mon téléphone.
David Wiggins et moi avons fait quelques tirs de réchauffement avec des minis pour constater que c’était peut-être possible de battre le record précédent. Wiggins a lancé le premier pour atteindre 450pieds. Je le regardais et je n’arrivais pas à croire la distance parcourue par cette petite chose. J’avais filmé le lancer et je l’ai mis en ligne. Après avoir été témoin de ce coup, je ne croyais pas avoir la moindre chance de le battre, alors je n’ai lancé que pour voir la distance que je pouvais atteindre.
Mon premier lancer est sortie de ma main avec tellement de vitesse et j’avais l’angle parfait. Ça a été mon meilleur lancer de mini à ce jour. J’ai atteint 527.8 pieds (160.8 mètres). Personne, moi inclus, n’arrivait à croire ce qui venait de se passer. Le mini est parti tellement loin qu’on ne pouvait plus le voir des yeux. Un vidéo n’aurait d’ailleurs causé que plus de discussions du type « On ne voit pas les disques à la caméra… ».
LL : De retour au Québec pour co-animer une clinique Deep In The Game à Montréal, ça faisait plusieurs années depuis ta dernière visite et j’ai lu comment tu as dit avoir vu l’expansion du Disc Golf au Québec, de quelques rares terrains il y a 5 ans à plus d’une douzaine de parcours actifs aujourd’hui. Il y en a même quelques nouveaux en développement alors que j’écris ces lignes.
La plupart des joueurs de Disc Golf de la province de Québec, du moins ceux qui suivent de près le sport, ont une connexion spéciale avec toi et tes performances, spécialement dans la dernière année. Peut-être est-ce ce nom qui sonne tellement québécois à nos oreilles, ou à quel point tu excelles dans ce sport malgré ton jeune âge. Peut-être est-ce parce qu’on a entendu de bonnes histoires, photos à l’appui, de ton père David et/ou de ton oncle Peter, figures bien connues du Disc Golf dans la province. Ils racontent comment tu lançais des disques, en très bas âge, ici même au Québec et 20 ans plus tard, on te voit maintenant sur le circuit atteindre des distances incroyables.
Alors, les prochaines questions sont à propos de ta jeunesse, ta famille au Québec et tes débuts au Disc Golf :
4. Tout d’abord, pour ceux qui n’ont pas pu aller à la clinique Deep In The Game de DiscMania, quelque chose que la plupart d’entre nous voudrait savoir… parles-tu le français, même un minimum?
SIMON : J’aurais bien aimé! Je sais que le français de mon père est très décent, mais il ne nous l’a jamais appris. J’ai grandi en apprenant l’allemand et l’anglais et je suis très content de parler l’anglais comme je peux le faire aujourd’hui. Je sais quelques mots et phrases, dont le plus important bien sûr : « je te aime (sic)». 🙂
5. Certaines rumeurs courent que, très tôt, tu pouvais lancer plus loin que disons ton père et/ou ton oncle … et les battre sur la plupart des parcours. Est-ce que cette histoire est vraie?
SIMON : Je crois que l’année où j’ai commencé à battre mon père c’était en 2007. J’avais alors 14 ans. Peut-être plus tôt. J’ai eu besoin de grandir afin de pouvoir physiquement être capable d’atteindre de meilleures distances. Je me souviens bien du jour où j’ai commencé à lancer plus loin que mon père. La distance est ma marque de commerce depuis longtemps maintenant. J’adorerais jouer une ronde avec Dave et Pete aujourd’hui. Comme dans le bon vieux temps!!
LL : Tu as de toute évidence commencé à prendre le Disc Golf au sérieux à un très jeune âge, ajoutons à ça que ton numéro de membre PDGA est très bas (#8332). C’est plus bas que celui de ton oncle Peter (#9189) mais aussi que la plupart des Champions encore actifs dans le Disc Golf, sinon Ken Climo, Barry Schultz ou ton ami Avery Jenkins.
6. On dirait que tu es devenu un membre de la PDGA avant les top pros comme Ricky Wysocki, Will Schusterick, Paul McBeth, Cale Leiviska, Nikko Locastro, Eric McCabe, même avant Nate Doss et David Feldberg! Quand et comment c’est arrivé?
SIMON : C’est arrivé parce que certains numéros étaient réservés pour les joueurs allemands (européens). Je ne pourrais dire comment ou pourquoi c’est ainsi car je n’en sais rien. Tous les joueurs allemands qui se sont enregistrés autour de 2004 ont un numéro dans les 8000. J’aime bien le fait que mon numéro soit aussi bas! Mais ce n’est pas parce que je me suis inscrit avant les autres pros. Mon profil sur le site PDGA.com montre 2005 comme étant le début de ma carrière.
LL : Si, pour la plupart des gens, lancer un frisbee semble relativement facile, le lancer sur une longue distance avec constance et précision est une toute autre paire de manches!
Les quelques questions suivantes concernent les façons de s’améliorer :
7. Toi et Avery Jenkins avez donné plusieurs cliniques sur la route cette année alors, quelles sont les choses typiques que vous semblez répéter coup sur coup aux débutants? Aux joueurs plus avancés? Est-ce bien différent?
SIMON : Notre message principal à tous les joueurs : « Gardez les choses simples ». La forme la plus simple sera souvent la plus efficace. « Tenir la motion sur une ligne droite et toujours au même niveau! », c’est probablement ce qu’on répète le plus. Aussi, le « follow-through » est un autre élément central dans nos cliniques. Bien faire suivre son mouvement jusqu’au bout est tellement important car c’est ce qui enlève les tensions dans le corps tout en aidant à bien atteindre la ligne visée avec constance.
L’erreur la plus courante que j’ai vue est le joueur qui ne lance qu’avec le bras plutôt qu’avec tout le corps. « Le bras est un fouet, un lance-pierre.» La rotation du haut du corps (du tronc) et le focus sur le contrôle du coude pendant la motion sont des points clés pour pouvoir lancer sur une plus longue distance.
8. Quel est le meilleur conseil tu as reçu, peut-être un conseil qui a changé ta technique ou ton jeu, et qui te la donné?
SIMON : J’ai eu beaucoup d’excellents conseils de plusieurs joueurs impressionnants au fil des ans. Cette année, il y a un commentaire qui m’est vraiment resté en tête. C’était de Paul Ulibarri qui disait : « Si tu fais de ton mieux, si tu donnes à chacun de tes coups tout ce que tu peux, tu vas gagner. » Quand il a dit ça, dans ma tête ça disait « Je sais déjà tout ça. » Mais à partir de ce moment là, j’ai focalisé précisément sur cette mentalité de « donner le meilleur de soi-même et oublier le reste », et j’ai gagné les 2 tournois suivants.
Le Disc Golf est un jeu où l’état d’esprit est très important et Paul McBeth gagne autant de tournois parce qu’il excelle au niveau de son mental. On peut tous très bien lancer un frisbee. Comment l’esprit est géré en jeu, c’est la différence entre être bon et être excellent. Un jeu très mental!
LL : En compétition, l’état d’esprit est tellement important! De nos jours, avec plus de couverture sur l’Internet, on peut voir toutes sortes d’émotions, de réactions et de comportements lorsque la pression est à son comble. On s’imagine jouer avec Nikko Locastro et il a une de ces journées… Je suis certain que tu vois ce que je veux dire.
9. Comment fais-tu pour garder ton calme et ton sourire, pour avoir l’air détendu et prêt à faire de ton mieux quelques secondes après, disons, une très mauvaise série de lancers, comme un double bogey pendant une ronde en finale? Ou lorsque David Feldberg a réussi ce putt impossible sur le dernier trou de la finale du Rochester Open, pour t’emmener en prolongation?
SIMON : J’ai eu moi aussi de très mauvaises expériences où j’ai « piqué des crises » durant des rondes, il y a de ça plusieurs années. J’ai simplement décidé de ne plus jamais le faire. Tout le monde sait que ça n’aide rien.
Je veux être reconnu comme étant un joueur qui est très souriant, qui a du plaisir sur le parcours et qui a une bonne attitude. Après tout, on lance des disques et on est payé pour le faire. C’est vraiment super, alors il y a peu de raisons de se fâcher à propos de quoi que ce soit! Je suis peu dérangé par l’attitude des autres joueurs. Ils font ce qu’ils ont à faire. Si je me laissais affecter, ça deviendrait une faiblesse.
Ce qui s’est produit à Rochester était fou! Lorsqu’il (Dave Feldberg) a réussi ce putt, à cette seconde précise, il venait de gagner le tournoi parce que j’avais perdu l’envie de gagner. Mon esprit n’était plus à essayer de le battre. Je sentais que j’avais fait de mon mieux, si ce n’était pas assez, je ne tenais plus vraiment à gagner.
LL : On pourrait continuer pour toujours mais, heureusement, la plupart d’entre-nous peuvent lire l’anglais et trouver plus d’informations sur ta carrière professionnelle de Disc Golf et sur tes exploits sur la toile, je voulais donc couvrir des questions un peu différentes pour l’entrevue.
En revanche, une dernière question, surement très typique :
10. Un seul disque pour tout faire, quel est ton choix? Modèle, poids, plastique, couleur?
SIMON : 175g, D-Line P2 Psycho. Les tournois sont gagnés ou perdus au putting alors je choisi un putter. Aussi, je peux tirer un putter sur une longue distance alors je n’aurais pas à craindre d’être toujours trop court. 🙂
LL : Merci d’avoir pris le temps de nous répondre Simon et aussi pour tes excellentes performances qui reflètent bien sur l’ensemble de la communauté de Disc Golf et aide vraiment à faire grandir notre sport.
Pour finir, un dernier commentaire, une histoire ou un sponsor à remercier en nous quittant?
SIMON : Je suis tellement heureux d’être là et que les gens aiment voir ce que je fais. Ça rend le tout beaucoup plus agréable et amusant. Je vais travailler encore plus fort sur mon jeu l’an prochain. J’ai décidé d’être encore plus professionnel pour la nouvelle saison et de repousser toutes les limites.
Le futur du Disc Golf est prometteur et j’adore l’équipe avec laquelle je suis. Discmania est ma famille et on m’y traite comme une vraie star. J’espère vraiment pouvoir revenir à nouveau au Canada dans l’année à venir! Je suis fier d’être à demi Canadien. Merci à vous tous pour le support. C’est un plaisir de vous représenter et de répondre à vos questions.
Gardez le sourire. 🙂
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Remerciements à Peter Lizotte , Isaac Olson et Marie-Ève Dubois pour l’aide avec cette entrevue!